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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 14:56

Le parcours du linge dans la blanchisserie après 1945.

 

Selon Jeannine Nicolas, une pièce de linge passait 17 fois dans les mains des personnes qui travaillaient à la blanchisserie. Parcours entre le ramassage chez le client ou au magasin et sa livraison lavée et repassée : Ramassage, tri, accouplage, marquage, mise en paquet ou en filet, lavage, amidonnage, essorage, séchage, repassage, mise en paquets, livraison.

Dés l’âge de 15ans, Jeannine Nicolas préparait du petit linge en « accouplant », c’est-à-dire en cousant ensemble, des chaussettes sales, des mouchoirs, des culottes, des slips, des serviettes hygiéniques, etc.… avant qu’ils ne passent en machines à laver.

Ce travail peu ragoutant était imposé à l’adolescente qu’elle était alors.


Le marquage du linge :


Il était très important de marquer le linge pour retrouver chaque pièce afin de la rendre à son propriétaire.

Les techniques de marquage du linge ont évolué au fil du temps. Pendant un certain temps le linge était marqué avec du fil rouge dès qu’il arrivait à la blanchisserie. Puis il l’a été avec de l’encre de chine. Ensuite, il a été marqué avec des étiquettes de couleurs différentes. Celles-ci étaient collées avec de l’acétone. Les petites pièces comme les mouchoirs étaient d’abord « accouplés » ou rassemblés ensemble pour avoir moins d’étiquettes à coller. 

Tous les jours, il fallait changer de couleur d’étiquette ou de système de codage pour retrouver le linge. Yvette Belloc se souvient que, pour chaque jour de la semaine, il y avait un fil de couleur et une lettre de l’alphabet qui étaient différents pour éviter les confusions entre clients.

Plus tard, le linge était mis dans des filets qui étaient fermés avec des épingles. Des filets étaient faits pour chaque client.

Le linge était trié par catégorie :

-  Le linge de couleur claire

-  Le linge épais     

-  Le linge très sale.       

Parmi les linges les plus difficiles à préparer, il y avait les tabliers des ouvriers de l’usine de charcuterie GEO du Kremlin Bicêtre, les pantalons de pyjama des hôpitaux. En effet, il fallait défaire tous les nœuds des cordons qui servent de ceinture aux tabliers ou aux pyjamas. Les essuie-mains des « essuie- matics » (essuie-main) qui sont dans les toilettes des hôtels ou des usines sont également particulièrement difficiles à préparer avant le lavage.


Le lavage et l’amidonnage :


Plusieurs produits étaient utilisés pour le lavage. L’adoucisseur d’eau en pastille ou en granulé « gros sel » pour enlever le calcaire. La poudre à laver avec de l’eau de Javel ou de l’eau oxygénée, ou encore le « bleu à linge » pour blanchir le linge.

L'hydrosulfate de sodium était une poudre blanche avec une très légère odeur soufrée. Il se décomposait dans l'eau chaude et enlevait l’odeur de Javel.         

Le borax était un agent de blanchissement pour lessive. La rubigine servait pour enlever les taches de rouille. L’esprit de sel était utilisé pour enlever la graisse sur les bleus de travail.

Avant la guerre, les chemises étaient lavées le col à l’envers, ensuite il fallait rouler la chemise pour l’amidonner et passer le « mouillon » pour enlever les taches d’amidon. Pour le lavage des nappes, l’amidon liquide était mis directement dans les barbottes.

 Simone Danicourt préparait son amidon elle-même. Souvent, le linge avait des taches indélébiles en particulier « les taches jaunes » qu’il était impossible de faire partir. Le sel mis sur les nappes lorsque du vin était renversé brûlait le linge et cela faisait des trous qu’il fallait faire expertiser lorsque le client demandait à être indemnisé. Les grosses blanchisseries comme ELIS ont fait travailler des laboratoires spécialisés sur ces questions. Pour l’essorage, afin qu’i soit plus efficace les draps étaient pliés, tordus puis tapés sur la planche à laver.

Les rideaux étaient mis sur « un métier à picots ». C’était un cadre pour tendre les rideaux. Il permettait de les amidonner et de les sécher. Les tissus ont beaucoup évolué, que ce soient les cotons ou les tergals pour les rideaux, les nylons pour les blouses. Cela a eu beaucoup d’incidence sur la façon de laver le linge. Souvent, il était lavé et pendu aussitôt pour le séchage.

Les blanchisseuses livraient le linge « aux clients ou Bourgeois » dans des paniers d’osier qu’elles appelaient des « baladeurs ».


Le repassage du linge :


Simone Danicourt avait 2 repasseuses en boutique à Arcueil en 1960. Celles-ci repassaient le linge à la main.

Yvette Belloc se souvient des machines pour repasser qui avaient une forme adaptée aux pantalons.

Les cuvettes des machines à repasser étaient en fonte et en acier. Il fallait les nettoyer 2 fois par jour avec de la toile Emery pour enlever les traces de lessive et de calcaire. Ensuite, les cuvettes étaient enduites avec une couche de paraffine qui était lissée avec un morceau de vieux drap. L’amidon cuit était aussi utilisé pour certains empesages importants.

Un drap de trousseau pesait 1,5 kilogramme. Plus tard, les draps en polyester furent beaucoup plus légers. Les draps en satin étaient difficiles à repasser car ils glissaient de la machine à repasser.                                    

Les repasseuses utilisaient des gros paniers en osier, « les mannes », pour mettre les chemises avant de les repasser. Elles faisaient cuire leur repas sur « le poêle à repasser ».  


Les blanchisseries de Cachan 


La blanchisserie BEL au 23 rue Cousté.

Yvette Belloc y était repasseuse.

Vers 1975, les blanchisseries importantes étaient les blanchisseries : Lefèvre (anciennement Afchain), David, Druhen.

Il en restait moins de 10 sur Cachan. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’une blanchisserie à Cachan, la blanchisserie BEL.

Yvette Belloc se souvient du jour où son mari a aidé l’installateur de la nouvelle chaudière à gaz. 

Il fallut démonter l’ancienne, qui était très lourde, avec des briques réfractaires à l’intérieur. Ensuite, l’installation de la nouvelle chaudière a été toute une affaire quand il a fallu la faire rentrer dans la blanchisserie.                         

image yvette 1

 

Yvette a travaillé 42 ans dans cette blanchisserie. Les premières années, elle a apprit à trier le linge sale. Plus tard, elle repassait les « bleus de travail » à la presse tournante, puis, elle a apprit à faire les chemises : « d’abord les cols, puis les manches. » Ensuite, elle a fait de la teinturerie avec le détachage. 

 La journée de travail type était :

-              le tri du linge sale

-              la teinturerie, le détachage

-              le repassage des pantalons à la presse

-              le repassage des jupes à la vapeur.

Le travail à la blanchisserie, c’était être debout toute la journée dans la chaleur et souvent la vapeur. Aujourd’hui, les personnes qui travaillent dans la blanchisserie sont toujours payées au SMIG.

Parmi ses souvenirs dans cette blanchisserie, Yvette Belloc a vu tourner des films comme « Tenue de soirée » de Bertrand Blier avec des acteurs comme Jean Yanne ou Daniel Prévôst. Ceux-ci n’étaient pas toujours très sympathiques avec les employés de la blanchisserie, se souvient-elle.[28] 


La blanchisserie CHUET- BIZZARI était au 13/15 rue Cousté.  C’était la blanchisserie des parents de Jeannine Nicolas. 

Au n° 15 en 1918 se trouvait la blanchisserie Roger : « Le patron, Anatole Henri Roger était né le 16 mai 1872 à l’Hay les roses. Ses parents, Henri Alexandre   Roger (47 ans) et Désirée Berrois (32 ans) étaient « entrepreneur en voitures publiques » et couturière.  Anatole Henri Roger s’était marié le 21 janvier 1893 avec Félicitée Marie Augustine Lacointe, née à Boulogne Billancourt.                                                       

Ils étaient tous les deux blanchisseurs au moment de leur mariage, l’épouse habite au n° 49 rue Camille Desmoulins. Les témoins du mariage étaient Louis et Hyppolite Roger, frères du marié, tous les deux charretiers à l’Hay et Paul Lacointe, oncle de l’épouse, blanchisseur à Boulogne Billancourt (autre ville de blanchisseurs). Anatole Henri Roger, outre son métier de blanchisseur, avait la responsabilité de la fanfare de Cachan. Les parents de Félicitée Marie Augustine Lacointe étaient Pierre Augustin Lacointe (décédé en 1887 au n° 49 de la rue Camille Desmoulins) et Marie Eléonore Lefebvre, tous les deux blanchisseurs.

Anatole Henri Roger avait une fille, Berthe née le 23 mars 1901, elle épousait Léon Emile Jules Chuet, le 15 avril 1922, cuisinier. Il était né le 16 octobre 1898. Avec son frère Max, leur fille Jeannine, née le 30 octobre 1924, a été blanchisseuse dès l’âge de 15 ans et jusqu’en 1974 dans la blanchisserie de leur grand père au n° 15 rue Cousté. Ensuite, elle travailla hors de Cachan.

Elle épousera Monsieur Robert Nicolas, tôlier en prototype. Elle nous raconte qu’en 1939 la blanchisserie avait 3 camions dont un, « celui qui avait une publicité pour « la vache qui rit ». Celui-ci a servi à toute la famille pendant l’exode ». Ou encore que : « Son grand-père qui livrait le linge avec des chevaux avait dû les abattre pendant la guerre. »                                           

 mr chuet

Dés les années 1930, Monsieur Chuet avait acheté des stocks de linges de maison dans la perspective de les louer à ses clients. De ce point de vue, il était plutôt novateur, car aujourd’hui les grandes blanchisseries sont souvent des loueurs de linge.

Au moment de l’exode, la blanchisserie a été fermée 2 mois. C’est le grand–père de Jeannine qui a fermé la blanchisserie car le départ avait été précipité.                             

 Pendant la décennie 1940/50, la blanchisserie Chuet-Bizzari disposait de 5/6 machines, des « laveuses – barbotes » qui pouvaient laver entre 50 et 100 kg de linge à la fois. La cuve était divisée avec 3 pans dans le sens de la longueur.

Puis les machines ont été construites avec des compartiments. Elles nécessitaient beaucoup d’entretien. Tous les samedis, il fallait enlever le calcaire qui se déposait dans les cuves. Cela se faisait avec un burin et « c’était difficile à faire ». Puis il fallait gratter avec de la toile Emery.

Le toit de la blanchisserie était constitué d’une grande verrière. De ce fait, les changements de température à l’extérieur étaient très sensibles l’hiver. Il arrivait même que le mazout soit gelé. La blanchisserie disposait d’une citerne de 20 000 litres dont il fallait faire le plein deux fois par mois. L’achat de ce « fioul lourd » nécessitait de disposer d’une trésorerie importante. Beaucoup de blanchisseries ont fermé en 1974 lors de la crise pétrolière qui a fait flamber les prix.

Cette crise provoqua une augmentation très considérable du mazout. Certaines blanchisseries en achetèrent « au noir » par des moyens peu avouables. L’eau était pompée dans la Bièvre à cette époque. La blanchisserie disposait de plusieurs pompes électriques. 

La blanchisserie possédait aussi de deux puits. La question de l’approvisionnement en eau a toujours été importante. Ainsi, une teinturerie installée en amont vers ce qui est aujourd’hui la place Jacques Carat rendait souvent les eaux toute rouges. L’eau était particulièrement calcaire. L’hiver il arrivait que les arrivées d’eau soient gelées. Il fallait les dégeler. Les eaux sales allaient à l’égout car la blanchisserie y avait été raccordée après la couverture de la Bièvre.

Les soirs d’hiver, il fallait mettre en route le « réchauffage du mazout ». Par grand froid, on démarrait le travail du linge avec une heure de retard le matin.

Lorsque le linge était lavé, il était basculé dans le chariot pour l’emmener à l’essorage dans d’autres machines. C’était des centrifugeuses de marque De Souza.


Les tuyaux des « sécheuses » qui amenaient la vapeur étaient recouverts d’amiante bleue enduite de plâtre pour les maintenir en température mais aussi pour éviter que les employés ne se brûlent. Des poêles électriques ont été installés pendant la guerre 39/45.

En 1940, alors qu’elle livrait du linge sur les Champs Elysée, Jeannine Chuet abandonna son « baladeur » sur un banc car elle ne voulait que l’on sache qu’elle était blanchisseuse et elle craignait d’être reconnue devant le cinéma où elle allait assez régulièrement.

Pendant la guerre, il fallait travailler toute la nuit parce qu’il y avait des coupures du courant électrique pendant la journée.


Monsieur Bizzari, le patron, était d’origine italienne comme son ami Lazare Ponticelli (le dernier des poilus de la guerre 14/18) à qui il avait acheté le 13 rue Cousté en 1945 (habité par une autre blanchisseuse, Madame Beurdelet qui avait tenu la blanchisserie du 13. Elle avait fermé la blanchisserie pendant la guerre, puis elle a travaillé chez Monsieur Chuet au N°15 de la rue Cousté).

Aujourd’hui, ces immeubles appartiennent à la SAIEM de Cachan, par contre la blanchisserie a été transformée en atelier de fabrication de « volets coupe-feu » Une des composantes de ces volets était l’amiante. Des anciens ouvriers sont aujourd’hui malades pour avoir travaillé dans cet atelier.

Ensuite l’atelier a été acheté pour installer un atelier de découpage industriel, c’est une entreprise Lyonnaise.

Outre le fait qu’il était propriétaire à Cachan, Monsieur Ponticelli, avec sa société entretenait la plupart des cheminées des blanchisseries de Cachan. Chaque année, les cheminées des blanchisseries étaient badigeonnées au goudron pour les protéger de l’oxydation. Avec son entreprise, il entretenait également les chaudières qui avaient des pannes.


Pendant la guerre, Jeannine Nicolas se souvient « d’un ouvrier qui était caché » par son beau-père, Monsieur Bizzari. Celui était d’origine juive.

Sylvain Lafforge a aussi travaillé à la blanchisserie, dans le même moment, il était engagé dans la résistance avec son frère le chanteur René louis Lafforge, Sylvain sera tué par la milice dans le parc de la Roseraie à l’Hay les Roses.

Jeannine Nicolas se souvient aussi de ses camarades d’école qui sont devenus blanchisseuses ou blanchisseurs. Ainsi les deux fils de la blanchisserie Fournier au n° 44 de la rue C. Desmoulins qui ont perpétué l’entreprise familiale.

Son amie, Jeannine Vasseur, est aussi devenue blanchisseuse avant d’épouser Monsieur Robert Bognon, fils de blanchisseurs cachanais installé au 24 de la rue du Docteur Hénouille. A l’école Paul Bert, Jeannine « était la plus forte physiquement » aussi les institutrices lui demandaient toujours d’aller chercher les outils pour le jardinage chez le maire Monsieur Eyrolles.

Son jeune Frère Max est lui aussi devenu blanchisseur.

Avant la guerre, l’école Paul Bert était divisée en deux avec un côté fille et un côté garçon. L’infirmerie était installée côté garçon. Jeannine Nicolas se souvient de ses camarades de classes « qui se disaient malades pour aller du côté des garçons ». Elle dit avoir souvent était embrassée par Monsieur Léon Eyrolles, alors Maire de Cachan, lorsqu’elle venait chercher les outils de jardinage pour l’école dans sa maison de l’ETP. Par ailleurs, le maire venait toujours remettre les prix de fin d’année aux élèves des classes.

Adolescentes ou jeunes adultes certaines blanchisseuses, comme d’autres cachanaises, rêvaient de « beaux mariages » et donc d’épouser un des étudiants de l’ETP ou de l’institut Lapparent. Un grand nombre de ces futurs ingénieurs venaient de nombreux pays du monde et pouvaient représenter un « beau parti ». « Les filles allaient traîner autour de l’ETP ». Elles allaient aussi aux bals d’Arcueil ou dans la salle des fêtes de la mairie de Cachan. Les membres du groupe ce souviennent que les jeunes de l’époque avaient « du mal à s’entendre avec les jeunes d’Arcueil ».


La blanchisserie CHUET- BIZZARI avait environ 45 employés dont par exemple :

2 marqueuses, 2 laveurs, 3 essoreurs, 5 sécheuses --repasseuses dont 3 « engageuses », 1 façeuse qui pliait le drap (avec le rebord brodé bien au dessus de la pile), 6 repasseuses dont 1 pour les chemises à amidonner, 4 chauffeurs.

D’autres personnes travaillaient au pressing à sec.

La blanchisserie a été fermée lors de la crise de 1974.

Ensuite, Jeannine Nicolas est devenue responsable d’atelier dans la blanchisserie Fontaine de Malakoff. A partir de 1976, cette nouvelle blanchisserie où travaillait Jeannine Nicolas traitait 60 à 80 tonnes de linge par semaine. Le linge était pesé avant d’entrer dans le tunnel du train de lavage. Ensuite, il passait dans des « pré-séchoirs, démêleurs » puis dans des presses où il était séché le linge. Elle employait 150 personnes. Il y avait 13 nationalités différentes chez les employés. Cette blanchisserie avait 7 camions de livraisons. Parmi les clients prestigieux de cette blanchisserie, Jeannine Nicolas a eu à prendre en charge « la valise ou la malle » du linge venant du palais de l’Elysée. Elle a donc entretenu le linge du Président François Mitterrand.

La blanchisserie « c’était souvent travailler jusqu'à minuit voir 2 heures du matin ». Pour le service « petits paquets », Jeannine passait la nuit du mercredi à travailler. Souvent, elle a titubé de fatigue dans la cour de la blanchisserie. Elle avait rarement des week-ends et jamais de vacances.


La blanchisserie ROUDIER était installée au 22 rue Etienne Dolet.

Elle a été achetée en 1976 par Monsieur et Madame Simone Danicourt.

En 1926, « Le patron était Madame Veuve Roudier. Elle était née Amélie Naudin, le 31 décembre 1872 à Bagneux. Son père Emile Naudin était cantonnier au moment du mariage de sa fille. Il avait 57 ans, il habitait à Arcueil-Cachan au n° 75 route d’Orléans. Sa mère, Hortense Potel avait 57 ans.  Amélie Naudin avait épousé, le 26 mars 1894, Louis Joseph Roudier, né le 28 octobre 1871, il était blanchisseur. Elle était veuve depuis le 29 juillet 1902. En effet, son mari était décédé à l’âge de 31 ans à son domicile au n° 28 rue Camille Desmoulins. Les parents de ce dernier, Camille Roudier et Marie Désirée Verdier demeuraient au n° 37 rue Camille Desmoulins à Cachan. Ils étaient, l’un et l’autre, blanchisseurs au moment du mariage de leur fils en 1894. Camille Roudier était décédé le 21 mars 1903 à Arcueil-Cachan, peu après un de ses fils. Il y était né le 24 juillet 1837 de François Roudier, maçon. »


La blanchisserie Roudier avait été rénovée dès 1939. Les parents de Monsieur Roudier séchaient encore le linge dans les séchoirs dans les étages des bâtiments ou au dehors lorsque le temps le permettait.

Dès 1950, les chaudières au Cooke en briques réfractaires ont été remplacées par des chaudières verticales « Baratta » au fioul.

Elle disposait d’un puits où elle pompait de l’eau. Elle avait plusieurs « bâches » installées en hauteur dans l’atelier pour disposer de réserves d’eau suffisante.  Au moment de la vente, Monsieur Roudier a indiqué qu’il avait une autorisation pour rejeter les eaux sales dans la Bièvre.  

Pendant les récents travaux du tunnelier, Avenue Cousin de Méricourt, la nappe phréatique s’était asséchée. Depuis que ces travaux sont terminés, la nappe est de nouveau présente. 

Avant l’achat de la blanchisserie Roudier, Simone Danicourt tenait une boutique, au 50 rue Emile Raspail à Arcueil, aujourd’hui Marius Sidobre. A partir des années 1950, l’arrivée des machines individuelles à laver le linge dans les foyers les plus aisés a changé la clientèle.  Il y a eu beaucoup moins de « petits paquets. Simone Danicourt prenait des filets de linge au poids. Les clients faisaient le tri de leur linge. Les clients pouvaient demander que leur linge en filet leur soit rendu seulement lavé, ou bien  essoré ou encore séché. Les filets étaient repérés avec une épingle particulière selon la commande. Les prix étaient en fonction du service rendu. Dans l’arrière boutique, il y avait un poêle à coke toujours chauffé à rouge où étaient réchauffés au moins 20 fers à repasser en même temps

Simone Danicourt nous indique que, dans sa boutique, le « service petits paquets » (de linge) était plus intéressant sur le plan économique.

En 1976, à la blanchisserie, l’ancien calorifère (séchoirs) était toujours existant mais il ne servait plus. Le socle de ce calorifère était fait avec des cailloux sur lequel étaient déposées les braises. Le linge était étendu au dessus pour le   séchage.

En 1976, il y a eu pendant quelques temps, 2 « Blanchisseries de la Bièvre » ; celle du 22 rue Etienne Dolet et celle du 23 rue Cousté, cela à cause d’un problème d’ordre d’enregistrement dans les registres à la chambre de commerce. Cela a engendré beaucoup de confusions, en particulier pour le courrier et les factures, la marchandise. Chaque blanchisserie recevait ceux de l’autre. Puis Mr et Mme Danicourt ont changé le nom de leur blanchisserie qu’ils ont appelée « Blanc et Couleurs ».

La 2ème « Blanchisserie de la Bièvre » appartenait à Monsieur Prévôt (anciennement Mme Chassaing). Depuis 2002, elle est devenue la blanchisserie BEL où travaillait Yvette Belloc. Celle de Simone Danicourt a fonctionné jusqu’en 2007.


La blanchisserie Danicourt avait 3 machines à laver. Dans les anciennes machines, le linge était très tassé. Il était très lourd lorsqu’il fallait le sortir de la machine. Plus tard, les machines ont été conçues pour renverser le linge directement dans les chariots. Ses machines disposaient d’une arrivée d’eau mais aussi d’une arrivée de vapeur.


Cette vapeur venait d’une chaudière proche de la machine. Au début, elles étaient à charbon puis des brûleurs à gasoil ont été installés. Ensuite, elles ont été au gaz ou électrique. Il y avait souvent des fuites de gasoil sous les brûleurs, il fallait mettre de la sciure pour éviter qu’il ne s’étale trop loin. La blanchisserie de Simone Danicourt a compté jusqu’à 30 salariés. Il y avait 3/4 lingères, couturières, raccommodeuses, 6 / 8 repasseuses machines dont 4 ou 5 qui mettaient le linge à l’arrière de la machine (en particulier les draps) et 3 ou 4 à l’avant de la machine qui récupéraient les draps repassés.

Elles faisaient la finition et le pliage avant de mettre le linge dans les chariots. 6 personnes travaillaient sur les machines à repasser les chemises et les blouses dont une qui pliait les chemises. Par ailleurs, il y avait un mécano pour l’entretien permanent des machines et des tuyauteries, un gardien. Il y avait 3 ou 4 chauffeurs avec des ripeurs pour livrer le linge. Le linge était livré sur Paris et dans toute la banlieue.

Simone Danicourt a repassé les fraises et les jabots des costumes de théâtre de la « Maison Pontet » qui était installée auprès de l’Opéra à Paris.

Le fils d’un des anciens chauffeurs/livreurs de Simone Danicourt, Monsieur Denorme, a ouvert des pressings dont un dépôt place Jacques Carat à Cachan. Celui-ci, David Denorme, s’il a des clients cachanais, il a aujourd’hui en charge le linge de l’Elysée dont celui de l’actuel président de la République. Il a aussi ouvert un pressing avenue Jean Jaurès à Arcueil.

Simone Danicourt se souvient avoir repassé pour dépanner ce pressing au début de sa retraite.


La concurrence commerciale.

Jeannine Nicolas considère, que dès après la guerre, le monde des blanchisseries, « c’était la jungle ». La concurrence était particulièrement exacerbée. Beaucoup tentaient de casser les prix.[41]

Même pour aller se faire payer par les hôpitaux de Paris « il fallait faire des cadeaux » (chocolats, champagne) aux fonctionnaires pour que sa facture se retrouve en haut de la pile des factures à payer. Avec les pressings et les teintureries, qui étaient nos clients, « c’était aussi très difficile, il fallait toujours faire des réductions ».                                           

La concurrence était rude. La même blanchisserie pouvait faire des prix assez différents aux divers pressings pour les avoir comme clients.  

Yvette Belloc se souvient que faire la facturation était un vrai casse-tête avec tous ces prix différents.

Les blanchisseries de Cachan faisaient peu de publicité. « Il y en avait seulement sur les camions de livraison ». Sinon, c’est le bouche à oreille qui fonctionnait assez bien.

Simone Danicourt se souvient qu’après 1990, la « sécheuse-repasseuse » pour les draps pouvait en faire entre 400 et 600 à l’heure. 

Il s’agissait là des draps de location en polyester.


Les draps des clients individuels particuliers « les bourgeois » étaient traités beaucoup moins rapidement, environ 200 à l’heure, pour avoir une plus grande qualité de repassage. Ils étaient introduits à la main dans la sécheuse-repasseuse car souvent ils étaient confectionnés dans un tissu de meilleure qualité que ceux des hôtels. En particulier les draps en « métis »


Par ailleurs, Il fallait gérer les produits de lessive qui étaient installés en hauteur comme les « Bâches » qui étaient des réserves d’eau...

Simone Danicourt faisait la comptabilité, les paies, les factures le samedi et le dimanche ainsi que toutes les taches administratives. Dans le même temps, elle s’occupait également de la boutique d’Arcueil. Le petit linge était repassé à la main à la boutique.        

Il n’y avait aucun congé, ainsi le jour du mariage de sa fille, son mari a dû livrer du linge à un hôtel. La plupart des hôtels n’avaient pas assez de stock de draps, il fallait les livrer dès le lendemain,


Dès les années 60, les vêtements tels que les costumes ont été nettoyés au « perchlore » et ventilés à sec. Les ouvriers qui faisaient le nettoyage à sec allaient à la médecine du travail tous les mois. L’odeur de ce produit rendait malade Jeannine Nicolas qui en a un très mauvais souvenir.


Mais les blanchisseries ont surtout continué à laver les draps, les bleus de travail, les blouses, les voilages lavés à sec, les nappes en papier. Puis les clients ont été Air France (têtières, serviettes de table, plaids,) ou les hôpitaux. Aujourd’hui, la blanchisserie de Simone ne fonctionne plus. Elle a un temps était louée pendant quelques années , elle s’appelait alors la blanchisserie d’Ile de France.


Les blanchisseries dans Cachan et les autres commerçants.


Les blanchisseries de Cachan étaient en relation plus ou moins importantes avec d’autres artisans et commerçants des « métiers du linge » : couturières, corsetières, bonnetières etc.…

Rue Cousté, par exemple, il y avait une fabrique de « canadienne », vestes que les hommes portaient beaucoup l’hiver.

Rue Etienne Dolet, Madame Margueritte Boivin était couturière comme beaucoup d’autres cachanaises.

Monsieur Tyszelman était chapelier avenue Dumotel.

Mais celle dont le souvenir est encore très présent dans le groupe, est la bonnetière Laurette, installée au n° 20 de la rue Camille Desmoulins. En effet, Laurette passait dans toutes les blanchisseries pour vendre aux blanchisseuses, aux repasseuses de nombreux produits de mercerie, des sous-vêtements, des « broderies anglaises ».

Les blanchisseuses qui faisaient de longues journées de travail n’avaient pas le temps d’aller faire ce type de courses. Laurette venait tous les mois sur leur lieu de travail pour vendre ses « produits de la mode » avec un succès certain.

D’autres commerçants passaient régulièrement dans les blanchisseries, par exemple, un bijoutier passait tous les trimestres.

Un représentant leur proposait aussi « les bons de la Semeuse » qui leur permettait des achats à crédit à la Samaritaine. « Pour les habits, on allait à « La Belle Jardinière ». On achetait à crédit avec les bons de La Semeuse. On allait les chercher au siège, rue du Louvre. C’était un crédit sur 6 mois. Beaucoup de commerçants acceptaient les bons de la Semeuse comme mode de paiement. »

Les anciens de Cachan se souviennent également de la chemiserie Descamps où ils faisaient retourner les cols et les poignets usés de leurs chemises pour les porter plus longtemps.

Par ailleurs, souvent des voisins des blanchisseries se plaignaient des fumées qui s’échappaient des cheminées des blanchisseries lorsque les brûleurs des chaudières étaient mal réglés. Cela salissait leur linge qui était étendu dehors pour le séchage. On disait que « La mairie surveillait, depuis son beffroi, les cheminées des blanchisseries ».

Parfois l’hiver, « les voisins étaient aussi inquiets par les vapeurs qui s’échappaient des blanchisseries » se souvient Yvette, alors que cette vapeur n’était pas salissante.

Il y avait parfois des difficultés de cohabitation, pourtant, ce sont les blanchisseurs qui ont fait ce quartier comme le montre le tableau généalogique en annexe.


Les blanchisseries d’aujourd’hui


Elles sont complètement automatisées. Les images en sont donc très différentes, le travail aussi. Nous mesurons le chemin parcouru.

Le traitement du linge des collectivités et des entreprises est complètement automatisé.

A Cachan, seule l’architecture des bâtiments construits à la fin du 19ème siècle rappelle encore le passé du quartier Cousté / Dolet.

La blanchisserie industrielle est composée en France de plusieurs secteurs distincts :


La blanchisserie industrielle privée travaillant dans les secteurs hôtellerie-restauration, Santé, industrie, en blanchissage et location -entretien de linge.


Un secteur public de la Santé conservant de nombreuses blanchisseries hospitalières de toutes tailles allant d’unités de moins de 500 kg/jour à des unités allant jusqu’à 25 tonnes/jour de linge traité.


Enfin il y a des blanchisseries “de gros” généralistes allant des très petites entreprises à des unités industrielles. Les plus petites travaillent à la fois directement pour les particuliers ou réalisent la sous-traitance blanchisserie pour les pressings (petits paquets). Les plus importantes concurrencent les loueurs de linge sur l’hôtellerie restauration, la Santé et l’industrie mais souvent en proposant une offre de blanchissage de linge (la location ne représentant qu’une part marginale dans leur CA mais en développement).


Le Chiffre d’affaires de la profession :

Sur l’ensemble du marché de la blanchisserie industrielle qui représente 2,4 milliards d’euros, les loueurs assurent 82% du chiffre d’affaires global (96 entreprises).

Les blanchisseurs hospitaliers ont une production de 450 000 tonnes de linge valorisées à 680 Millions d’euros (environ 638 établissements).

Les blanchisseries de gros (privés indépendants) représentent environ 600 entreprises réalisant 290 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Le secteur du travail protégé pour les handicapés (ESAT et EA) est aussi un acteur en croissance avec 485 établissements réalisant 70 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Nous n’avons trouvé aucun élément concret sur les blanchisseries installées dans les prisons comme dans la prison des femmes à Rennes.


En guise de conclusion


Nous espérons que l’évocation du souvenir de ce qu’ont été certaines blanchisseries de Cachan et surtout le travail des blanchisseuses aura intéressé notre lecteur.

Pour imaginer l’avenir de notre commune, il faut connaître ce passé. Il engendrera longtemps des contraintes de toutes sortes difficilement compréhensibles sans élément de cette histoire. Les traces des blanchisseries dans Cachan sont indélébiles dans le tracé de nos rues qui restent parallèles aux bras de la Bièvre mais aussi dans les immeubles qui ont cette architecture si particulière avec leurs anciens 2èmes étages conçus pour le séchage du linge.


En 1938, L-L Veyssière nous disait : « Il fut un temps, où la presque totalité des femmes d’Arcueil et Cachan étaient laveuses ou repasseuses,….Chaque établissement n’employait guère qu’un seul garçon blanchisseur…..Aussi dans la plupart des ménages ouvriers, l’homme était carrier et la femme blanchisseuse…. »


Cinquante six ans plus tard, Jacques Carat écrivait : « Les projets d’urbanisme eux-mêmes, avec, par exemple, l’idée de redessiner dans le centre ville le cours de la Bièvre aujourd’hui canalisée, répondent à ce même désir de ne pas trahir un passé qu’on ne peut définitivement figer. »

Des Cachanaises et des Cachanais ont encore des parents qui ont travaillé dans ces blanchisseries.

D’autres Cachanais rencontreront le tracé de la Bièvre. Ils pourront peut être un peu savoir répondre aux questions de leurs enfants ou leurs amis.

Comme rédacteur de ce fascicule, je voudrais remercier Jeannine, Simone, Yvette, pour leur participation dynamique, pour leur recherche dans leurs souvenirs mais aussi de documents.



Cette  brochure sur les "Blanchiseries de Cachan" est disponible au Centre socioculturel: la Maison Cousté, 19 rue Cousté, 94230 CACHAN

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Au fil du temps

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